Le Manifeste Retropicalls : sauve la planète, porte des fringues de seconde main

L’industrie du textile est la deuxième plus polluante du monde. Ça pollue à mort et on continue à sur-produire et sur-consommer. Alors qu’avec tous les vêtements déjà produits sur notre planète, on pourrait tous (oui, les 7,6 milliards d’humains sur Terre) changer de vêtements tous les jours pendant 50 ans. Dans cet article nous apporteront des éléments de réponse sur les questions suivantes. Dans quelles mesures l’industrie du textile, telle qu’elle est pensée aujourd’hui, est un fléau pour la planète ? En quoi la friperie constitue une solution face aux affres de la fast fashion ? A la fin de l’article sont également présentés quelques conseils simples à mettre en pratique pour moins polluer avec votre consommation de vêtements.

Data gueule la Terre

  • Une industrie qui pèse

Si les podiums sont arpentés par des mannequins poids plume, toutes les études constatent que l’habillement est un secteur qui pèse lourd.

En 2016, rien qu’en France, ce sont 600 000 tonnes de vêtements qui sont mis sur le marché (1), soit 200 bébés baleine bleue et 4 fois l’ego de Mickaël Vendetta. Ces bébés baleines auront du mal à y voir clair lorsqu’ils traverseront l’océan puisque chaque année ce sont 500 000 tonnes de micro fibres de plastique (2) qui y sont rejetées, soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique !

Une étude britannique a démontré que renoncer à l’achat de nouveaux vêtements réduirait nos émissions individuelles de CO2 de 0,8 tonnes par an (1), soit approximativement 7% des 12 tonnes en moyenne que chacun d’entre nous consomme chaque année en France. Ce propos prend tout son sens quand on sait qu’avec tout ce qui a été produit à ce jour sur Terre tout le monde pourrait s’habiller pour les 50 prochaines années en changeant une fois de tenue par jour.

  • Le textile assoiffé

Nous avons tous intégré qu’il fallait fermer le robinet lorsqu’on se brosse les dents; les moins frileux coupent l’eau lorsqu’ils se savonnent sous la douche. Il faut saluer l’effort. Cependant, si c’est pour acheter un jean H&M et un t-shirt Zara par la suite, autant prendre des bains tous les jours.

Car, avec la culture du coton, la filière textile est la 3e consommatrice d’eau d’irrigation de notre planète (4). En coupant l’eau lors du brossage de dents, entre 15 et 50 cl d’eau sont économisés, et peut-être 1,5 litres lors d’une douche responsable. Mais pour produire un jean il faut en moyenne l’équivalent de 285 douches (11 000 litres d’eau) et 70  douches (2 700 litres) pour un t-shirt (2). Et cette eau est puisée dans toutes les sources, qu’il s’agisse d’eau potable ou d’eau de mer. Ainsi on évalue à 4% les ressources mondiales d’eau potable utilisées pour produire des vêtements (1). En 2005, les études ont démontré que la surface de la mer d’Aral, un lac d’eau salée situé en Asie centrale dans laquelle les industriels locaux puisent l’eau pour produire des fibres textiles, avait diminué de ¾ (1).

  • La mode des glaçons

Ils étaient pas mal ces mois de février et mars. On s’est retrouvé en terrasse alors que l’année dernière on campait sous la couette, la folie. Loin de nous l’envie de déterrer un débat éculé mais 1/ ce n’est pas normal 2/ c’est votre pull le responsable (entre autres).

Quand on sait que chaque année, l’industrie mondiale de la mode émet environ 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre (3), soit près de 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, principalement pour une mode de supplément, décorative, on se dit qu’on devrait peut-être consommer autrement. D’autant que certains prédisent que d’ici trente ans, si la tendance actuelle de consommation se poursuit, le secteur pourrait contribuer à hauteur de 26 % aux émissions polluantes globales (3).

Alors pourquoi continuer à produire toujours plus, avec des étapes de fabrication basées aux quatre coins du monde et une cinquantaine de collections par an ? Pourquoi pas arrêter avec ces “vêtements jetables” ?

La Classe Verte

  • Class action contre la fast-fashion

Consistant à produire toujours plus, plus vite et moins cher, la fast fashion se caractérise par l’accélération de la saisonnalité des vêtements, afin que le consommateur ne cesse d’en acheter. Ce phénomène s’est formalisé dans les années 80, notamment avec l’entrée de Zara sur le marché. Les produits deviennent moins durables, tant du point de vue de leur résistance que des tendances, puisqu’il faut pousser le consommateur à revenir en magasin acheter des nouveautés. Dans les années 90, les entreprises de mode ont opté pour une organisation visant à garder leur siège dans les pays du Nord, où sont centralisés la conception du produit, le marketing et la communication. Et à sous-traiter la fabrication, la moins chère et la plus rapide possible, dans les pays du Sud (4).

  • Anti-Fashion Manifesto

Les conséquences désastreuses, et de plus en plus médiatisées, de la fast-fashion ont permis de faire germer chez un nombre croissant de consommateurs et professionnels une nouvelle façon de penser la mode. En 2014, Li Edelkoort, célèbre designeuse, publiait Anti-Fashion: a Manifesto for the Next Decade, un manifeste pointant les échecs de l’industrie de la mode, autant au niveau écologique, sociétal et créatif qu’humain : “La mode est morte. Vive le vêtement.” Dans ce manifeste, Li Edelkoort constate que l’industrie de la mode a atteint un point de rupture et prophétise le renouveau imminent de la couture.

Il est évident qu’un vent nouveau souffle sur la mode. Les initiatives visant à “faire du neuf avec du vieux” se sont multipliées à tous les niveaux de la mode. On peut citer le projet Damoiseaux qui recycle du linge de maison retro pour en faire des sous-vêtements, ou le projet Les Récupérables qui procède de manière similaire à plus grande échelle pour produire du prêt-à-porter féminin. L’horizon de la haute couture a également été traversé par un OVNI sensible à la question du recyclage. Marine Serre, après être passée chez Dior et Balenciaga, a lancé sa propre collection dont une importante partie se base sur le recyclage de vêtements vintage, avec un goût prononcé pour le sportswear.

  • Longue vie à la friperie

L’achat d’habits de seconde main entre doucement dans les mœurs. Selon Thred Up, l’un des plus importants sites de revente de vêtements en ligne basé à San Francisco, le marché des vêtements d’occasion pesait 24 milliards de dollars en 2018 aux États-Unis (contre 11 milliards de dollars en 2012). Il n’existe pas de chiffres aussi précis pour la France, cependant l’Institut Français de la Mode (IFM) évalue le marché hexagonal à un milliard d’euros et avance que 30 % des Français ont acheté un vêtement d’occasion en 2018, contre moitié moins en 2010.

Mais l’étude menée par Thred Up va encore plus loin. Elle avance qu’en 2028, le marché du seconde main devrait être plus large que celui de la fast fashion. Le premier représente aujourd’hui 6 % des achats mode des Américains, quand les enseignes de la fast fashion atteignent 9 %. Selon leur dernière étude en date, en 2028 la seconde main devrait peser 13 % des achats, quand la fast fashion stagnerait à 9 % (voir le schéma ci-dessous pour davantage de détails sur ces chiffres).

Cette information pourrait paraître idéaliste et surestimée si la perte de croissance des entreprises de fast fashion n’avait pas été établie par les analystes du marché depuis 2017 et qu’un géant de la fast fashion n’avait pas lui-même investi dans la seconde main. Effectivement, en 2017 H&M a investi deux millions d’euros (via son fonds H&M Co/Lab) dans la société suédoise de seconde main Sellpy. Pour le fonds d’H&M, il s’agissait du second tour de table avec cette entreprise fondée en 2014 (5). Le site de la marque & Other Stories devrait proposer d’ici quelques semaines les produits de seconde main de l’enseigne à sa clientèle suédoise.

En résumé, comment agir:

Du côté des industriels du secteur textile, le must serait d’utiliser des matériaux renouvelables et moins polluants, de centraliser les étapes de fabrication et d’améliorer les process de recyclage, mais nous en sommes encore loin.

Du côté des consommateurs des gestes simples peuvent également améliorer la situation. Notamment en suivant les conseils basiques de ne jamais laver ses vêtements à plus de 30 ou 40°, de favoriser l’achat de vêtements portant les labels France Terre Textile et Origine France Garantie (qui certifient que la production de l’article labellisé est majoritairement réalisée en France), et de privilégier des fibres issues de ressources naturelles comme la cellulose de bois. Vous retrouverez ainsi en magasin des vêtements en fibres de bambou, en lyocell (produit à partir de pulpe de bois), ou en Tencel ® (issue de bois d’eucalyptus).

Et bien sûr favoriser l’achat de vêtements d’occasion ! A ce propos, on vous laisse lire le message d’un membre de la team.

Le coup de gueule de Soulynx de la team Retropicalls :

Si l’on aborde la question sous un angle purement esthétique, sur les défilés des plus grands créateurs on retrouve systématiquement des inspirations multiples et mixées des années passées. La mode vestimentaire, comme musicale, est faite de cycles. On sait que c’est un éternel recommencement. T’as pas remarqué que les baskets que Nike et Reebok te proposent pour 150 € sont un remake des grosses baskets de ta prof de sport (ringarde) du collège ?

Aussi t’es loin d’être has-been si tu chopes en fripe un vêtement qui a été produit il y’a 10, 20 ou 30 ans. La fringue d’avant, elle est résistante, elle a une âme, un vécu, elle remonte un peu le temps, puis tout simplement, elle est quasiment unique. Et c’est plutôt cool de ne pas ressembler pas à la centaine de clones qui ont acheté la même chemise moutarde de la nouvelle co’ Zara, surtout qu’’une chemise en friperie est facilement 2 fois moins chère.

Alors, assistons-nous au déclin de la fast-fashion ? Ca a l’air bien parti, mais tout dépend de vous :).

Sources :

(1)https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/le-revers-de-mon-look.pd

(2) http://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/

(3)https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-gaz-effet-serre-2017-annee-tous-records-60411/

(4)http://www.boudoirnumerique.com/modebeaute/2018/12/12/les-makers-et-la-mode-12-la-fast-fashion

(5)https://fr.fashionnetwork.com/news/-Other-Stories-se-lance-dans-la-seconde-main-avec-Sellpy,1081314.html#.XJ-HoWXT57o

(6)https://www.thredup.com/resale

Annexes :

https://www.lci.fr/green/shopping-mode-comment-je-fais-pour-avoir-un-dressing-super-eco-responsable-2083056.html

http://madame.lefigaro.fr/style/mode-20-ans-pour-changer-le-monde-marine-serre-upcycling-recyclage-defile-310718-149966

https://www.lesrecuperables.com/notrehistoire-lesrecuperbles