Trilogie du lundi #15 : La musique tombe à l’eau

La trilogie du lundi c’est votre rendez-vous hebdomadaire avec trois informations musicales triées sur le volet. On ne se fixe aucune limite de thème ou de format. Notre seul objectif : vous faire découvrir, tous les lundis, trois éléments de la culture musicale sous des formes variées. Un voyage dont vos guides seront tantôt des images, tantôt des sons, tantôt des mots.

Poussé par la chaleur des premiers jours d’été devant le bassin bondé d’une piscine du 19ème arrondissement, on a commencé à penser à la place de l’eau dans la production musicale. Certains s’en sont inspiré pour composer, d’autres s’en sont carrément servis comme d’un instrument ou, plus simplement, comme visuel pour mettre en image leurs composition. A l’inverse, des compositeurs ont mis en musique des films dans lesquels l’élément liquide est central. 

Alors que le thermomètre affiche jusqu’à 37° cette semaine dans la capitale, nous avons eu envie de réunir différents supports autour du thème de l’eau. Nous avons privilégié des supports esthétiques aux approches expérimentales et avons retenu un pianiste impressionnant, un champion d’apnée-artiste et un compositeur de musique de film internationalement reconnu. Voici donc notre trilogie du lundi numéro 15 toute dédiée à l’eau.

Les jeux d’eau de Ravel

La musique classique s’est construite notamment sur la distinction entre le bruit et la note, entre le son « naturel » et le son musical. Ce qui ne l’empêche pas de s’inspirer des phénomènes de la nature. Ainsi nombreux sont les artistes classiques qui se sont servis de l’eau comme source d’inspiration dans leurs œuvres. 

De Wagner avec « L’or du Rhin », à Franz Liszt avec « Jeux d’eau à la villa d’Este » en passant par le chef d’oeuvre de Debussy, « la Mer », qui fait entendre une grande variétés de traits musicaux et déploie toute une palette de timbres pour suggérer la houle, le calme plat, les oiseaux ou le vent, les plus grands ont mis en musique cet élément liquide.

Certains s’estiment hermétiques à la musique classique, la jugeant vieillotte, dépassée. Pourtant la modernité de l’œuvre de Ravel pourrait en convaincre plus d’un, notamment dans son morceau « Jeux d’eau ». Les soubresauts du clavier et la mélodie des notes enchaînées nous donnent l’impression que cette composition pourrait être ré-exploitée, voir même créée, par des artistes modernes comme N’to ou Nujabes. Loin de la musique de chambre ou de la musique d’opéra pouvant être assommante, le rythme saccadé du jeux de l’interprète durant la première minute est plein de vie. Que vous soyez fan de piano ou curieux de la musique en tout genres, vous saurez entendre la beauté de cette composition résolument aquatique.

Plongés artistiques avec Guillaume Néry

En 2015, Guillaume Nery effectue la plongée à poids constant la plus profonde de l’histoire en atteignant 139 mètres de profondeur. La syncope dont il fut victime 10m avant d’arriver a la surface de l’eau l’incite à se retirer de la compétition. Mais que vient faire un apnéiste français dans les colonnes d’une chronique musicale ?  

Tout d’abord car c’est certainement l’apnéiste qui cumul sur une seule vidéo Youtube, et certainement dans l’ensemble des vidéos, le plus de vues. La vidéo Runnin’ totalise plus de 365 millions de vues. La particularité de cette vidéo ? Il s’agit d’un clip commandé par le DJ anglais Naughty Boy pour sa chanson du même nom que la vidéo. Par la suite, Beyoncé est venue y poser sa voix et participera grandement à sa célébrité. 

S’il n’y avait que cette performance au palmarès de Nery nous n’aurions pas pris la peine de le citer ici. Cependant, depuis 2015, avec sa compagne il a monté le projet « les films engloutis ». Dans leurs productions on peut les voir interpréter des chorégraphies sous l’eau à couper le souffle. Se soustrayant aux lois de la gravité terrestre, leurs corps semblent s’envoler sans que le poids de l’eau paraisse gêner leurs mouvements. Les images qu’ils capturent sont impressionnantes, autant dans les mouvements de leurs corps que dans leurs rencontres sous marines. Dans One Breath around the World, Nery plonge aux côté de cachalots qui dorment a la vertical, l’image est sublime. La musique composée par Guillaume Ferran peut sembler un peu trop martiale par moment, défaut vite oublié face à la prouesse de la plongée.

L'épopée aquatique d’Alexandre Desplat

Lorsqu’Alexandre Desplat rencontre Guillermo d’El Torro, le réalisateur de  » La forme de l’eau », leur collaboration n’est pas scellée. L’idée du film existe mais le compositeur est sceptique. Il faut dire que le synopsis est atypique; une muette tombe amoureuse d’une créature marine. Pour un compositeur tel qu’Alexandre Desplat, fidèle collaborateur de Wes Anderson (notamment pour Grand Budapest Hôtel et Fantastique mister Fox) qui a déjà remporté deux Oscars pour ses compositions, il s’agit de ne pas faire un four. Plusieurs années plus tard, le film est prêt. Maintenant convaincu par le projet, Desplat va s’atteler à y apposer sa musique. 

Dans ce film ou le rôle principal est donc tenu par une muette et faisant une place généreuse aux comédies musicales de la fin des années 50, la musique se taille la part du lion. Elle sera enregistrée dans l’un des studios les plus rock de la capitale anglaise, le légendaire Abbey Road Studio. Dans cette musique dont les deux thèmes principaux seront composés en 3 temps sur le format de la valse, Alexandre Desplat enchaîne les arpèges pensées pour figurer des vagues. Loin de faire un four, la bande son est célébrée par le milieu du cinéma. Pour son œuvre, Alexandre Desplat recevra notamment un Golden Globe ainsi qu’un nouvel Oscar. 

C’est sur ce grand Homme de la musique de film que s’achève cette 15eme édition de la trilogie du lundi. 

On se retrouve donc la semaine prochaine pour un peu plus d’histoires à propos de ma musique. 

 

Bonne semaine les amis !