Trilogie du lundi #9 : L’art de l’écoute selon Sonarium

Trilogie du lundi #9

La trilogie du lundi c’est votre rendez-vous hebdomadaire avec trois informations musicales triées sur le volet. On ne se fixe aucune limite de thème ou de format. Notre seul objectif : vous faire découvrir, tous les lundis, trois éléments de la culture musicale sous des formes variées. Un voyage dont vos guides seront tantôt des images, tantôt des sons, tantôt des mots.

Vous penseriez quoi si on vous disait qu’on avait trouvé une sorte de Le Cercle (pour ceux qui ne connaissent pas Le Cercle vous avez des heures de visionnage qui vous attendent) de l’écoute musicale ? On s’explique, pour nous le Cercle c’est un live de musiciens comptant parmi les plus talentueux dans un lieu d’exception. Cependant, parfois les musiciens géniaux ne sont plus parmi nous pour jouer leur musique. Dans ce cas, il y a le projet Sonarium.

En résumé, le projet Sonarium est le suivant : passer un album iconique sur une sono de qualité, faire intervenir un spécialiste du groupe qui décortiquera l’album avant l’écoute mettant ainsi en valeur toutes les particularités de l’enregistrement, tout ça dans un lieu sympa. Certes les lieux choisis ne sont pas aussi époustouflants que ceux proposés par son grand frère live. Cependant, l’expérience consistant à écouter l’album de Pink Floyd “The Dark Side of the Moon” en haute définition sur du matériel son de haute volée enfoncé dans un fauteuil de l’auditorium du Grand Palais, gratuitement, après une introduction par l’un des grands historiens du rock qu’est Julien Bitoun mérite, selon nous, d’être vécue.

Dans ce trilogie du lundi nous revenons en premier lieu sur la séance d’écoute à laquelle nous avons assistée dimanche dernier. Puis nous analysons, avec nos mots, 2 autres albums qui ont fait l’objet d’une séance d’écoute organisée par l’équipe de Sonarium.

Pink Floyd - The Dark Side of the Moon (1973)

Il y a certains albums dont en entend parler encore et encore, dont on ne remet pas l’importance en question, et qui restent pourtant sur notre “To Listen list” indéfiniment. The Dark Side of the Moon peut en faire partie si l’on a pas un paternel fan de rock nourrissant l’envie de transmettre sa passion ou des potes challengeant ta connaissance des classiques au lycée.

Cet album sorti en 1973, qui aurait pu s’intituler “Éclipse”, est magistral. Et pour cause, il a été joué quelques 88 fois avant d’être immortalisé sur une galette. Dans la salle d’enregistrement #3 du studio Abbey Road les musiciens sont donc en place. Évidement cette anecdote est insuffisante pour faire accéder le disque au rang des immanquables. Il fallait bien Alan Parsons à la production et aux arrangement pour que l’album au prisme rentre dans l’histoire. Après avoir été assistant (à l’âge de 19 ans) sur deux albums des Beatles, il devient l’ingénieur son sur TheDark Side of the Moon. Il mettra toute sa créativité et son talent au profit de celui-ci, en enregistrant le son immémorial du tiroir caisse que l’on entend sur « Money » ou encore les horloges de “Time”.

L’info dispensée par Julien Bitoun sans laquelle l’écoute n’aurait pas été la même, est l’existence d’un questionnaire rédigé par Roger Waters dont les réponses sont diffusées tout au long de l’album, comme un fil rouge. On peut ainsi entendre les voix du portier d’Abbey road studio, le roadie du groupe ou encore Stella McCartney (dont le mari enregistrait a côté) qui répondent comme ils peuvent à une douzaine de questions du type “avez-vous peur de la mort?”, “pensez-vous que vous devenez fou?” ou encore “que pensez vous de la face cachée de la lune?”. Celles-ci vont dans le sens de la recherche sur la folie entreprise par le groupe, à la fois au regard du sujet des questions et à l’écoute qui donne l’impression d’entendre des voix, et donne sa particularité à cet album qui resta 937 semaines dans le billboard 200.

N.W.A - Straight Outta Compton (1988)

En 1988, NWA (Niggaz with attitude) sort l’album Straight Outta Compton et révolutionne la musique populaire. Son gangsta rap virulent et sexiste devient le genre musical préféré d’un public d’adolescents majoritairement blancs et issus des classes moyennes et aisées. Élevés dans Compton, un ghetto californien animé par la guerre des gangs, les violences policières et le marché du crack, les membres, qui s’autoproclament « street reporters », vont rapidement faire la différence.

Eazy-E fondera le genre Gangsta Rap avec son label Ruthless Records. Ice Cube l‘engagé, l’enragé qui est le lyriciste le plus intéressant de l’album, partagera sa carrière entre le rap et le cinéma. Dr Dre participera à faire du rap ce pan de culture aujourd’hui aussi incontournable qu’international grâce à ses talents de producteur. Pour finir DJ Yella régale avec ses sons old school même s’il finira, pour sa part, plus reconnu pour son rôle dans la production de porno que derrière les platines.

L’album Straight Outta Compton est aussi brutal qu’entrainant. Un beat martelé sur des samples de funk à foison (James Brown, Kool & the gang, Funkadelic mais aussi des samples de Public Enemy et des Beasties Boys) et un flow plus scandé que coulant. Ici pas de véritable concours de virtuosité dans le maniement du Mic mais un flow tendu sur des textes sociaux et agressifs directement inspiré des new-yorkais de Public Enemy.

Cet album sera une source d’inspirations pour tous les artistes de rap à venir comme Snoop Dogg, dont le travail sera mis en valeur par Dr Dre quelques années plus tard. L’inspiration traversera également les océans et ira jusqu’à influencer le rap français naissant, notamment l’album Authentik du 93 NTM.

Talking Heads - Remain in lights (1980)

Ce quatrième album des Talking Heads sacralise l’accouplement du rock avec la musique du monde et marquera profondément les années 80. Musiques arabe, africaine, occidentale, orientale, … tout les styles sont combinées dans des chansons dépourvues de structures harmoniques spécifiques, davantage basées sur une structure rythmique solide. Certains entendent même des inspiration de la musique Jùjù, musique populaire nigérienne, tandis que d’autres y reconnaissent les débuts de l’afro-punk. Pour donner vie à ces idées, le travail du groupe s’avère considérable et décousu. Le passage en studio a surtout consisté à découper, coller et superposer les pistes, sorte d’alchimie sonore qui transforme le studio d’enregistrement en instrument de musique à part entière.

Pour que le live soit à la hauteur de l’enregistrement, l’équipe s’étoffe sur scène. Il recrutent de nouveau musiciens : l’éclectique Adrian Belew, guitariste de génie (qui apparaît dans nombreux chefs-d’œuvre de rock des années 1980) ; Bernie Worrell, le claviériste de Funkadelic ; Busta Jones, bassiste venant de l’entourage d’Eno ; le percussionniste Steve Scales, fondamental pour traduire les structures rythmiques complexes de l’album, et, enfin, la choriste Dolette McDonald. Avec ce set-up de neuf musiciens, ils offriront un spectacle incroyable, dansant et méticuleux, avant-gardiste et innovant, quel que soit l’aspect examiné.

Remain in Light est un album aux sonorités multiples, entre ses ponctuations trompettistes, ses cascades de congas et ses rayures métalliques. Avec ce disque les Talking Heads atteignent leur apogée ainsi que leurs limites. La tournée terminée, le groupe marquera une pause, publiera un double live et s’essaiera aux carrières solo et autres collaborations.

À l’occasion de la Fête de la musique, Sonarium vous propose de (re)découvrir «L’Imprudence» d’Alain Bashung, sorti en 2002 et considéré comme l’un de ses meilleurs albums. Toutes les infos sur l’event Facebook ici.

Bonne semaine et à lundi prochain les amis !